
Que retenir des derniers conseils de Google sur la gestion de la navigation à facettes
La navigation à facettes représente l‘un des piliers de l’expérience utilisateur pour de nombreux sites web, particulièrement dans le domaine du e-commerce, des sites d’articles ou d’événements.
Ce système permet aux visiteurs de filtrer et d’affiner leurs recherches selon différents critères comme la taille, la couleur, la catégorie ou encore le prix. Bien que cette fonctionnalité améliore considérablement l’expérience de navigation, elle peut également devenir un véritable casse-tête pour le référencement naturel.
En décembre 2024, Google a franchi un pas important en publiant une documentation officielle dédiée spécifiquement à la gestion de la navigation à facettes. Cette initiative, annoncée par Gary Illyes de Google, reprend et actualise des recommandations initialement partagées en 2014, signe de l’importance persistante de cette problématique pour les référenceurs et les webmasters.
La préoccupation principale soulevée par Google est claire : sans une implémentation réfléchie, la navigation à facettes peut générer un nombre quasi infini d’URLs pour un même contenu. Cette prolifération d’adresses entraîne deux conséquences majeures : un phénomène d’overcrawling (où les moteurs de recherche perdent du temps à explorer des URLs sans valeur ajoutée) et un ralentissement dans la découverte des nouveaux contenus véritablement importants de votre site.
Ces nouvelles directives arrivent à point nommé dans un contexte où l’optimisation des ressources de crawl est toujours aussi importante.
Comprendre les enjeux de la navigation à facettes selon Google
Dans sa récente documentation, Google met en lumière les deux problématiques majeures citées plus haut, liées à une mauvaise gestion de la navigation à facettes :
L’overcrawling, un gaspillage de ressources précieuses
L’overcrawling représente sans doute le risque le plus sérieux. Comme l’explique Gary Illyes : « Les moteurs de recherche perdent du temps à explorer d’innombrables URLs qui n’ont aucune valeur pour les utilisateurs. »
Lorsque votre site génère des milliers de combinaisons d’URLs via sa navigation à facettes, les robots de Google tentent de les explorer, pensant découvrir du contenu nouveau et pertinent.
Le problème ? Ces URLs semblent nouvelles aux yeux des robots, qui ne peuvent déterminer leur utilité réelle sans les explorer au préalable. Google précise que « les crawlers accèderont généralement à un très grand nombre d’URLs de navigation à facettes avant que leurs processus ne déterminent que ces URLs sont en fait inutiles. » Cette exploration excessive consomme inutilement le « crawl budget » alloué à votre site.
Le ralentissement de la découverte des nouveaux contenus
La seconde conséquence découle directement de la première. Comme le souligne Google : « Si le temps de crawl est consacré à des URLs inutiles, les robots ont moins de temps à consacrer aux nouvelles URLs utiles. » Cette situation peut gravement nuire à la fraîcheur de votre site dans l’index de Google.
Pourquoi une documentation dédiée en 2024 ?
Il est révélateur que Google ait jugé nécessaire de formaliser ces recommandations dans une documentation officielle en 2024, alors que le sujet avait déjà été abordé dans un article de blog en 2014. Cela témoigne de deux réalités :
- La persistance du problème : Dix ans plus tard, la navigation à facettes continue de poser des défis significatifs pour le référencement. Google indique d’ailleurs que « la source la plus commune de plaintes concernant le crawling peut être attribuée à ces espaces d’URLs inutiles, le plus souvent causés par la navigation à facettes. »
- L’évolution des enjeux : Avec l’augmentation continue du nombre de sites web et la complexification des architectures, l’optimisation des ressources de crawl devient de plus en plus critique. Les sites modernes proposent davantage de filtres et d’options de personnalisation et multiplient ainsi les risques liés à la navigation à facettes..
Les recommandations concrètes de Google
Face à ces défis, Google propose deux approches distinctes, selon que vous souhaitiez ou non que vos pages de navigation à facettes soient indexées.
Option 1: Si les URLs de navigation à facettes n’ont pas besoin d’être indexées
Dans de nombreux cas, les pages générées par la navigation à facettes n’apportent pas de valeur supplémentaire pour le référencement. Google recommande alors d’empêcher leur crawl, en utilisant l’une des méthodes suivantes :
Utilisation des fragments d’URI (#)
Google suggère de mettre en œuvre la navigation à facettes via des fragments d’URL (la partie d’une URL qui suit le symbole #). Les robots de Google ignorent ces fragments lors du crawl, ce qui évite la génération d’URLs multiples. Par exemple, au lieu de /chaussures?couleur=rouge&taille=42, utilisez /chaussures#couleur=rouge&taille=42.
Implémentation via JavaScript
Une autre approche consiste à implémenter la navigation à facettes entièrement en JavaScript, sans modifier l’URL. Cette méthode permet aux utilisateurs de filtrer le contenu dynamiquement sans créer de nouvelles URLs que Google devrait explorer.
Utilisation du protocole AJAX
Google mentionne également l’utilisation d’AJAX pour charger le contenu filtré sans modifier l’URL principale, limitant ainsi le nombre d’URLs générées.
Option 2 : Si les URLs de navigation à facettes doivent être indexées
Dans certains cas, vous pourriez souhaiter que Google indexe certaines combinaisons de facettes, particulièrement celles qui représentent des recherches populaires avec un contenu unique et pertinent. Google recommande alors :
Limiter les combinaisons de facettes
Restreignez les combinaisons possibles aux seules qui ont une valeur pour les utilisateurs et le référencement. Par exemple, permettez de filtrer par « couleur ET taille », mais pas nécessairement par « couleur ET taille ET matière ET prix ET marque » simultanément.
Utiliser la canonicalisation
Implémentez des balises canoniques pour indiquer à Google quelle URL est la version préférée lorsque plusieurs URLs affichent un contenu similaire. Par exemple, toutes les variations de filtres pour des chaussures rouges pourraient pointer vers une URL canonique /chaussures?couleur=rouge.
Optimiser la structure des URLs
Google insiste sur l’importance d’une structure d’URL claire et cohérente, avec des noms de paramètres descriptifs et des valeurs significatives. Cela facilite la compréhension du contenu de la page par les moteurs de recherche.
Considérations sur les ressources
Google souligne un point important : « Le crawl des URLs à facettes tend à coûter aux sites d’importantes ressources de calcul en raison du nombre considérable d’URLs et d’opérations nécessaires pour visiter ces pages. » Il vous faut donc bien peser le rapport coût/bénéfice avant de décider quelles facettes rendre accessibles aux moteurs de recherche.
Analyse critique des recommandations
Bien que les conseils de Google offrent un cadre solide, certains experts du secteur, comme Ryan Siddle de Merj, ont soulevé des préoccupations légitimes concernant ces recommandations. En particulier, l’approche des fragments d’URI (#), que Google présente comme une solution viable, présente plusieurs inconvénients majeurs :
Problèmes d’accessibilité
L’utilisation des fragments d’URL peut créer des obstacles significatifs en matière d’accessibilité. Cette approche ne respecte pas pleinement les directives WCAG (Web Content Accessibility Guidelines), ce qui peut exclure une partie de votre audience et potentiellement vous exposer à des problèmes de conformité légale dans certaines juridictions.
Difficultés avec le partage social
Les URLs qui utilisent des fragments posent problème lors du partage sur les réseaux sociaux. Elles génèrent souvent des aperçus incorrects ou incomplets lorsqu’elles sont partagées, ce qui diminue l’engagement et peut nuire à votre stratégie de contenu.
Défis techniques d’implémentation
La mise en œuvre des fragments d’URL n’est pas aussi simple qu’elle le paraît. Ryan Siddle rapporte qu’une agence de développement a estimé à 14 jours le temps nécessaire pour implémenter cette solution, mais qu’après 9 mois, ils rencontraient toujours des difficultés. Cette complexité se traduit par des coûts de développement élevés et des défis de maintenance non négligeables.
Les approches alternatives et leurs inconvénients
Face à ces limitations, plusieurs approches alternatives existent, chacune avec ses avantages et inconvénients :
L’approche hybride
Cette méthode consiste à indexer uniquement les combinaisons de facettes les plus recherchées et à exclure les autres via le fichier robots.txt ou des méta-robots. L’inconvénient majeur réside dans la complexité de maintenance et la nécessité d’une analyse continue des données pour identifier les combinaisons pertinentes.
L’utilisation des sous-répertoires au lieu des paramètres
Certains sites optent pour des URLs de type /chaussures/rouge/42/ plutôt que /chaussures?couleur=rouge&taille=42. Cette approche peut améliorer la lisibilité des URLs et faciliter l’indexation ciblée, mais elle complexifie la structure du site et peut créer d’autres problèmes d’architecture si elle n’est pas bien planifiée.
Le recours à la Search API de Google
Pour les sites avec un très grand nombre de produits ou d’articles, l’intégration de la Search API de Google peut offrir une alternative intéressante à la navigation à facettes traditionnelle. Cependant, cette solution implique des coûts additionnels et une dépendance accrue envers Google (encore un peu plus de dépendance…).
Ce qui a changé depuis les premières recommandations de 2014
La reprise des conseils de 2014 dans une documentation officielle en 2024 illustre la persistance du problème, mais plusieurs évolutions majeures sont à noter.
Depuis 2014, Google a adopté l’indexation mobile-first, rendant encore plus critique l’optimisation de la navigation à facettes pour les appareils mobiles, où l’espace est limité et la performance particulièrement importante.
Les attentes des utilisateurs en matière de filtrage et de recherche se sont développées. Une navigation à facettes bien conçue n’est plus seulement un atout SEO, mais un élément fondamental de l’expérience utilisateur.
Enfin, Google insiste désormais davantage sur l’impact en termes de ressources serveur, reconnaissant que les sites modernes doivent gérer un parfait équilibre entre offrir une navigation riche et maintenir des performances optimales.
Mise en application pratique
Pour mettre en œuvre les recommandations de Google de manière efficace, voici une approche méthodique en plusieurs étapes :
- Analyser l’état actuel de votre navigation à facettes
Commencez par identifier toutes les pages générées par votre système de navigation à facettes. Des outils comme Screaming Frog peuvent vous aider à crawler votre site et à extraire les URLs contenant des paramètres spécifiques.
- Évaluer la valeur SEO de chaque combinaison
Pour chaque type de page à facettes, posez-vous les questions suivantes :
- Cette combinaison répond-elle à une intention de recherche spécifique ?
- Existe-t-il un volume de recherche significatif pour cette combinaison ?
- Le contenu de cette page est-il suffisamment différent des autres pages pour justifier son indexation ?
- Examiner les logs de serveur
Analyser vos logs de serveur vous permettra d’identifier les modèles de crawl de Google et de repérer les éventuels signes d’overcrawling. Recherchez particulièrement les URLs à facettes fréquemment explorées mais rarement indexées.
- Vérifier les performances de rendu
Évaluez le temps nécessaire pour que vos pages à facettes se chargent complètement, tant du point de vue utilisateur que du robot Google. Des outils comme PageSpeed Insights et les rapports de la Search Console peuvent vous fournir des données à ce sujet.
Solutions techniques adaptées selon le type de site
Pour les sites e-commerce
- Implémentez une stratégie de canonicalisation robuste : Dirigez les variantes de facettes similaires vers une page canonique, généralement la catégorie principale.
- Utilisez la pagination avec les attributs rel= »next » et rel= »prev » : Bien que Google ne les utilise plus comme signaux d’indexation, ces attributs améliorent l’expérience utilisateur et peuvent aider d’autres moteurs de recherche.
- Préférez l’approche par sous-catégories : Pour les combinaisons très recherchées (comme « chaussures de running pour femmes »), créez des pages de sous-catégories dédiées plutôt que de vous appuyer uniquement sur la navigation à facettes.
Pour les sites de contenu et d’actualités
- Privilégiez une approche par taxonomie : Utilisez des catégories et des tags bien structurés plutôt qu’une navigation à facettes trop développée.
- Limitez la profondeur des filtres : Restreignez les filtres à un ou deux niveaux maximum pour éviter l’explosion du nombre d’URLs.
- Améliorez le système de recherche interne : Cela peut réduire la nécessité d’une navigation à facettes extensive.
Pour les sites d’événements
- Organisez les filtres par priorité : Mettez en avant les filtres les plus utilisés (date, lieu) et masquez les filtres secondaires derrière un bouton « Plus de filtres ».
- Utilisez des états de page plutôt que des URLs distinctes : Pour les filtres moins importants, privilégiez une approche basée sur JavaScript qui modifie le contenu sans changer l’URL.
Outils pour mesurer l’impact des modifications
Pour évaluer l’efficacité de vos ajustements, plusieurs outils s’avèrent particulièrement utiles :
- Google Search Console : Surveillez le rapport de couverture pour détecter tout changement dans le nombre de pages indexées et les éventuelles erreurs liées à vos modifications.
- Analyseurs de logs : Des outils comme Screaming Frog Log Analyzer ou Botify permettent de suivre l’évolution du comportement de crawl de Google avant et après vos modifications.
- Outils de monitoring des performances : New Relic ou Datadog peuvent vous aider à mesurer l’impact de vos changements sur les ressources serveur, un aspect crucial souligné par Google.
- Tests A/B SEO : Pour les sites de grande envergure, envisagez d’implémenter vos modifications sur une section limitée du site avant un déploiement complet, afin d’en évaluer l’impact réel sur le référencement et les conversions.
La gestion efficace de la navigation à facettes est un réel défi pour les SEO et les webmasters, mais les récentes recommandations de Google offrent un cadre pratique pour équilibrer expérience utilisateur et optimisation SEO.
L’essentiel est d’adopter une approche réfléchie, en limitant les combinaisons inutiles tout en conservant celles qui apportent une réelle valeur, afin de préserver vos ressources de crawl et favoriser l’indexation rapide de vos contenus prioritaires. À mesure que les sites web et les attentes des utilisateurs continuent d’évoluer, une révision régulière de votre stratégie de navigation à facettes doit être faite pour maintenir des performances SEO optimales.